Selon les informations parvenues à la rédaction de TOUT AFRICA, les députés togolais voteront ce 25 mars 2024 sur la nouvelle constitution proposée par une poignée de parlementaires. Cependant, les députés du Nouvel Engagement Togolais (NET) ne prévoient pas de voter en faveur de cette constitution, qui mènerait le Togo vers une Ve République avec un régime parlementaire. Selon Gerry Taama, président du NET, les députés actuels, dont le mandat a pris fin depuis janvier 2024, n’ont pas la légitimité pour prendre une telle décision. Il reconnaît toutefois que les textes ne s’opposent pas à la démarche des députés.
TOUT AFRICA vous propose l’intégralité de la déclaration du président du NET
Pourquoi les députés du Net ne voteront pas en faveur de la nouvelle constitution ?
Hier, le bureau national du Nouvel Engagement Togolais (NET) a tenu une réunion qui s’est prolongée tard dans la soirée. À l’unanimité des membres présents, il a été décidé que les députés du parti ne voteront pas en faveur de la nouvelle constitution proposée par un groupe de députés à l’assemblée nationale.
Aujourd’hui 25 mars, une plénière est programmée pour le vote de la nouvelle constitution. Si les ⅘ des députés, soit 73, votent pour, nous passerons à une cinquième république avec un régime parlementaire. Je rappelle que le Net ne dispose que de 3 députés sur 91. Notre opposition au texte n’empêchera pas qu’il soit voté. Une partie de l’opposition n’aurait pas dû boycotter les élections législatives en 2018. Les conséquences dramatiques sont là.
Il y a une dizaine de raisons qui poussent le parti à rejeter cette nouvelle constitution, mais pour faire court, je vais en présenter trois. Un communiqué ou une conférence de presse viendra sans doute expliciter les positions officielles du parti. Mais j’ai pris cette habitude de vous tenir informés à partir de cette page.
La première raison est qu’une nouvelle République ne peut pas être initiée par un petit groupe de députés. Si nous devons aller à une cinquième république, son urgence, sa pertinence, sa forme et le régime politique à lui applicable doivent faire l’objet d’une large consultation, impliquant toutes les couches de notre société : les acteurs politiques, la société civile, les universitaires, les religieux, les chefs traditionnels, le monde des affaires, les syndicats, la paysannerie, les corps constitués, l’administration, les jeunes … tout ce monde devrait pouvoir se prononcer sur le modèle de société que nous souhaitons avoir pour notre pays. Depuis 2021, les acteurs politiques organisent régulièrement des dialogues (CNAP, CPC) où le débat sur la nécessité d’une nouvelle République n’a jamais été évoqué.
La seconde raison est qu’une cinquième République ne saurait être votée par 91 députés, fussent ils des représentants de la nation. La constitution du 14 octobre 1992 a été votée par référendum avec 98% de oui. Elle a malheureusement connu des modifications à divers destins et desseins, mais c’est le peuple souverain qui avait adopté cette 4ème république. La 5ème république devrait aussi être adoptée par référendum, même si une adoption par l’assemblée nationale reste légale. (article 144 de la constitution)
La troisième raison est que l’assemblée nationale actuelle, quoi que légale au regard du 11eme alinéa de l’article 52 de la constitution, n’en souffre pas moins d’une certaine légitimité. Notre mandat a pris fin le 7 janvier 2024. C’est le 11eme alinéa de l’article 52 qui est mal écrit et qui nous plonge actuellement dans cette situation. Il devrait être précisé qu’à la fin de leur mandat, les députés restent en place jusqu’à la prise de fonction de leur successeurs mais ne légifèrent pas, le gouvernement prenant par ordonnances les décisions relevant de la loi. La vérité est que dans la situation actuelle, le gouvernement peut prolonger à l’infini notre mandat sans qu’il n’y ait rien à redire. Un député ne devrait pas avoir le même statut pendant son mandat et à l’expiration de celui-ci. Cela n’a aucune logique.
Mais est-ce que tout est perdu ? Non.
Il reste trois scénarios possibles.
Le premier est que le groupe parlementaire majoritaire à lui tout seul peut rejeter la nouvelle constitution. Pour le moment, il ne s’est jamais prononcé sur le sujet et ce n’est pas la première fois qu’il rejetterait une révision constitutionnelle dont les auteurs viennent majoritairement de ses rangs.
Le second est que la cour constitutionnelle peut aussi retoquer le texte sur la base des dispositions du second alinéa de l’article 59. J’en avais déjà parlé ici. La nouvelle constitution est obligatoirement déferrée auprès de la cour constitutionnelle.
Le troisième est le rejet du texte par le président de la République, qui le renvoie pour une seconde lecture à l’assemblée nationale. C’est possible.
Tout n’est donc pas perdu, même si personnellement je ne crois pas trop à ces scénarios. Pourquoi faire compliqué alors qu’on aurait pu faire simple, à savoir ne pas proposer de modification constitutionnelle tout simplement. Ce que nous avons fait en 2019 était bon, qu’une autre législature vienne faire pour elle. Le Togo doit être l’un des rares pays à modifier sa constitution par l’assemblée nationale alors que certains députés ne sont même plus candidats à l’élection suivante. Tout ceci est bien compliqué.
Prions pour notre pays et surtout préservons la paix. C’est le plus important.
Mais indignons-nous vivants quand même.
Gerry