Fin mai 2025, Chao Weidong, ambassadeur de la République populaire de Chine en fin de mission, a entamé une tournée d’adieu auprès des responsables des institutions de la République. Reçu par le président de l’Assemblée nationale, Kodjo Adedze, le 30 mai, le diplomate chinois a achevé son périple par une audience avec le Président du Conseil, Faure Gnassingbé.
Chose curieuse, Chao Weidong n’a pas rendu visite au Président de la République, chef de l’État. Cette situation surprend les analystes de la vie politique togolaise, car selon la nouvelle Constitution adoptée en mai 2024, le Président de la République « reçoit et accueille formellement les ambassadeurs et envoyés spéciaux acceptés et accrédités par le gouvernement après qu’ils ont été dûment autorisés ». La pratique aurait donc voulu que le diplomate fasse un dernier tour chez le chef de l’État avant de faire ses valises.
Il ne s’agit probablement pas d’une omission de la part de l’ambassadeur chinois. Depuis son élection et sa prestation de serment, le 3 mai 2025, Jean-Lucien Savi de Tové est introuvable. Non seulement le nouveau président, âgé de 86 ans, ne fait aucune apparition publique, mais personne ne sait où se trouvent ses bureaux. Faure Gnassingbé ayant conservé le Palais présidentiel qu’il occupait lorsqu’il était président de la République, certains compatriotes pensaient que le chef de l’État s’installerait dans les locaux de la primature. Aux dernières nouvelles, ce sont les sénateurs qui ont pris possession de ces lieux.
Plus d’un mois après son élection, le président de la République du Togo n’a toujours pas d’adresse connue. Et ce ne sont pas seulement les populations qui ignorent où se trouve leur président. Interrogé dans un média local, le sénateur togolais Tchassona-Traoré s’est également montré incapable de fournir des informations sur l’adresse de la Présidence de la République. Il appelle cependant les Togolais à faire preuve de patience.
La politique d’effacement
La nouvelle Constitution, adoptée dans un climat de tension, a vidé la fonction de président de la République de sa substance. Désormais élu par le Congrès, le président de la République, chef de l’État, occupe une fonction honorifique. Et pourtant, dans la pratique, il n’assiste à aucun événement d’envergure et n’a reçu aucune visite officielle médiatisée depuis son élection. Pire encore, le nouveau chef de l’État est également absent des réseaux sociaux. Les comptes officiels de la Présidence de la République ne sont plus animés. Même les images de la prestation de serment de Savi de Tové ne figurent pas sur ces plateformes. La page Facebook est devenue un simple relais des activités du président du Conseil.

Dans les démocraties parlementaires auxquelles le Togo aspire à se comparer, les présidents de la République sont actifs et communiquent autour de leurs actions. C’est le cas, par exemple, du président de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, qui publie presque quotidiennement sur sa page Facebook. La présidente indienne, Droupadi Murmu, de son côté, partage une demi-douzaine de publications chaque mois.
Garant de l’unité nationale, comme le prévoit la Constitution, le président de la République du Togo reste étrangement muet face à la crise sociopolitique en cours. Les tensions engendrées par l’augmentation des tarifs d’électricité, l’arrestation de l’artiste Aamron, et les nombreux cris des Togolais sur les réseaux sociaux, suivis de manifestations dans les rues les 5 et 6 juin 2025, n’ont pas fait sortir Savi de Tové de sa réserve.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer la disparition du président de la République de la scène politique nationale ? Des sources proches du président ayant requis l’anonymat indiquent toutefois que Savi de Tové vaque à ses occupations dans la cité résidentielle communément appelée « Caisse ». Il y aurait reçu, pour des séances de travail, plusieurs personnalités de la République, y compris le président de l’Assemblée nationale. Le nouveau président de la République serait-il victime d’une politique d’invisibilisation ?
Au Togo, plusieurs partis politiques de l’opposition sont convaincus que la dernière réforme constitutionnelle a pour seule finalité de maintenir Faure Gnassingbé au pouvoir le plus longtemps possible. Savi de Tové n’est pas le seul à ne pas répondre à l’appel. Le Togo est sans gouvernement depuis la démission de Victoire Tomégah et de son équipe, le 2 mai 2025.
Invités par le Président du Conseil, Faure Gnassingbé, à gérer les affaires courantes, les ministres sortants sont sur le point de boucler leur deuxième mois à leurs postes. Certains ne se contentent plus de gérer la transition. C’est le cas, par exemple, du ministre de l’Énergie, qui a décidé une augmentation de 12,5 % des tarifs de l’électricité.