Le projet de recensement biométrique, initiative phare du gouvernement togolais dans le cadre du programme Wuri-Togo, soutenu par la Banque mondiale à hauteur de 72 millions de dollars, connaît des turbulences dès ses premières étapes. Lancé le 2 décembre 2024 dans la zone 1, couvrant les préfectures de Tone et Cinkassé, le recensement a rapidement révélé des tensions entre les agents de terrain et l’Institut National de la Statistique, des Études Économiques et Démographiques (INSEED). Ces derniers dénoncent des pratiques « méprisantes » et « injustes » qui risquent de nuire à l’intégrité des données collectées.
Les agents, appelés à collecter les informations biométriques, ont été engagés pour une période de huit mois, sous un contrat initial d’un mois, renouvelable en fonction de la performance. La rémunération mensuelle de 170 000 F CFA, incluant un salaire de base et une indemnité de logement, a été acceptée dans l’espoir de conditions de travail respectueuses. Cependant, plusieurs irrégularités sont apparues dès le début de l’opération. Le versement du premier salaire s’est avéré difficile, retardé jusqu’à la mise en place d’une plateforme d’échange, et les engagements relatifs à la planification des tâches n’ont pas été respectés.
Le 22 décembre 2024, les agents ont appris que les opérations dans la zone 1 seraient arrêtées sans préavis. À leur grande surprise, un nouveau contrat leur a été imposé, contenant des clauses nettement moins avantageuses, notamment la rémunération ajustée au prorata des jours réellement travaillés. Cette modification a créé un sentiment de méfiance parmi les agents, qui se sont retrouvés avec des conditions de travail plus précaires, tout en étant soumis à une interdiction d’exercer toute autre activité professionnelle.
Face à ces nouvelles modalités, un groupe d’agents a tenté de solliciter une audience avec le Directeur général par intérim de l’INSEED pour discuter des problèmes rencontrés. Cependant, leurs démarches ont été rejetées, accompagnées de menaces voilées : « Ceux qui n’acceptent pas les termes doivent partir », a déclaré le DG par intérim dans un message audio. Malgré les intimidations, les agents ont décidé de ne pas signer le nouveau contrat, et plusieurs ont boycoté leur poste le 19 janvier 2025.
Cette crise met en lumière une gestion problématique d’un projet crucial pour la nation. Le recensement biométrique est essentiel pour des secteurs clés comme l’état civil, les élections et la sécurité sociale. Les tensions actuelles, couplées à un manque de dialogue, soulèvent des inquiétudes quant à la qualité des données collectées, qui pourraient être entachées d’erreurs ou manipulées.
L’absence de garanties contractuelles claires et le traitement arbitraire des agents risquent non seulement de miner la crédibilité du projet mais aussi de porter un coup dur à la confiance des citoyens envers les institutions de l’État. Si des mesures urgentes ne sont pas prises pour résoudre ce conflit, cela pourrait avoir des répercussions durables sur l’image du gouvernement et sur l’efficacité du recensement biométrique.
Nos tentatives pour obtenir un commentaire officiel de l’INSEED restent sans réponse, et l’extension du mouvement de protestation à d’autres agents de collecte et de distribution de cartes semble se profiler. Il devient impératif que les autorités interviennent rapidement pour rétablir la confiance et garantir des conditions de travail respectueuses et transparentes.