La promulgation de la nouvelle Constitution togolaise le 6 mai 2024, présentée comme une avancée démocratique, révèle en réalité une manœuvre politique orchestrée par Faure Gnassingbé pour consolider son emprise sur le pouvoir. Derrière la façade d’une réforme institutionnelle, le texte instaure un régime parlementaire où le président de la République, désormais élu par les députés, n’a plus qu’un rôle symbolique.
Un processus contesté et opaque
Adoptée en pleine nuit par des députés en fin de mandat, la révision constitutionnelle a été qualifiée de « coup d’État constitutionnel » par l’opposition. Les consultations publiques, limitées à des groupes triés sur le volet (militants du parti UNIR, chefs traditionnels proches du pouvoir), ont servi de caution démocratique à une décision déjà arrêtée.
Le Sénat : un instrument de contrôle
La création d’un Sénat, prévue par la nouvelle Constitution, cristallise les critiques. Perçu comme une « retraite dorée » pour les fidèles du régime, cette chambre haute coopte des opposants modérés, verrouillant ainsi le cadre institutionnel. Les déclarations du doyen d’âge du Sénat, Koudjolou Dogo, saluant la « vision perçante » de Faure Gnassingbé, ont dévoilé l’origine réelle de la réforme : une volonté présidentielle imposée à un Parlement soumis.
Cette réforme s’inscrit dans une logique de perpétuation du pouvoir. En 2005, l’armée avait déjà violé la Constitution pour installer Faure Gnassingbé après la mort de son père, Eyadéma Gnassingbé. Vingt ans plus tard, le scénario se répète : le nouveau texte permet au président du Conseil des ministres (poste détenu par le chef du parti majoritaire) de gouverner sans limite de mandat.
Un contraste régional saisissant
Alors que le Ghana, voisin du Togo, engage une consultation citoyenne transparente pour modifier sa Constitution, Lomé impose des réformes en catimini. Le président ghanéen, John Dramani Mahama, a appelé à une participation large, soulignant que les institutions doivent refléter les aspirations populaires ;une approche radicalement opposée à la méthode togolaise.
Un rejet populaire persistant
Malgré la répression des voix discordantes, la contestation gronde. Les Togolais, rappelant les mobilisations de 2017-2018 contre les limites de mandats présidentiels, résistent à l’illusion démocratique. L’histoire montre que les réformes imposées finissent par buter sur le rejet populaire ;une réalité que le régime semble ignorer dans un contexte régional où les peuples réclament de plus en plus de changement.
La Constitution de 2024, loin d’être un progrès démocratique, consacre une dynastie au pouvoir. Si le verrouillage institutionnel semble efficace à court terme, il ne saurait éternellement étouffer les aspirations d’un peuple qui, comme ailleurs en Afrique, exige une gouvernance inclusive.